Cabinet Avocats Valadou I Josselin

Précisions sur l’application de la procédure spéciale d’expulsion des gens du voyage

CE, 11 octobre 2024, req. n°467520

La loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage impose aux communes figurant au schéma départemental d’accueil des gens du voyage de participer à sa mise en œuvre, notamment en mettant à leur disposition des aires d’accueil. La participation à la mise en œuvre du schéma doit intervenir dans un délai de deux ans à compter de sa publication, pouvant être prorogé dans les conditions fixées au III de l’article 2 de cette même loi.

Lorsque la commune remplit les obligations qui lui incombent, le maire de la commune peut interdire le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées en application de l’article 9 de la loi précitée. Ce même article prévoit la possibilité pour le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. En l’absence d’effets de la mise en demeure et de recours contre celle-ci, le préfet peut en principe procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles.

En l’espèce, un maire avait en 2011 interdit le stationnement des gens du voyage en dehors de l’aire d’accueil aménagée en application du schéma départemental datant de 2003. L’aire de grand passage prévue par le schéma départemental publié en 2013 n’avait pas encore été mise en place.

Entre 2014 et 2017, un ensemble immobilier appartenant à une société avait été occupé à plusieurs reprises par des gens du voyage et avait subi d’importantes dégradations.

Le sous-préfet avait refusé d’exécuter d’un premier arrêté de mise en demeure et l’adoption d’un second arrêté de mise en demeure au motif que l’aire de grand passage n’avait pas été réalisée.

Après avoir indemnisé son assurée, la compagnie d’assurance de la société a engagé une action en responsabilité contre l’Etat et la commune pour demander la réparation des préjudices subis.

La requérante estimait que le maire avait commis une carence fautive dans l’exercice de ses pouvoirs de police et que l’Etat n’avait pas assez rapidement procédé à l’évacuation des occupants sans titre.

En première instance, le Tribunal administratif de Versailles a condamné l’Etat a verser une indemnité à la requérante et rejeté les conclusions dirigées contre la commune.

Statuant sur l’appel formé par l’Etat, la Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé le jugement de première instance. Le ministre de l’intérieur a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier considère que « dès lors qu’une commune a satisfait, soit directement, soit par l’intermédiaire de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel elle a transféré sa compétence en la matière, aux obligations qui lui incombent en application du schéma départemental d’accueil des gens du voyage, d’une part, son maire peut interdire, sur l’ensemble de son territoire, le stationnement des résidences mobiles appartenant à des gens du voyage en dehors des aires d’accueil aménagées à cet effet et, d’autre part, en cas de méconnaissance d’une telle interdiction, et dans la mesure où il est porté atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques, le préfet du département peut mettre en demeure les personnes concernées de quitter les lieux et faire procéder en tant que de besoin à leur évacuation forcée ».

Une fois devenues applicables du fait de l’accomplissement de ses obligations par la commune, ces dispositions « demeurent applicables pendant le délai de deux ans, éventuellement prorogé, mentionné aux I et III de l’article 2 de la loi du 5 juillet 2000 alors même que la commune ne se serait pas encore acquittée d’obligations supplémentaires qui viendraient à être mises à sa charge à l’occasion d’une révision ultérieure du schéma départemental d’accueil des gens du voyage ».

Ainsi, la Cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le sous-préfet ne pouvait se fonder sur le motif tiré de l’absence de réalisation de l’aire de grand passage prévue par le schéma de 2013