CC, 11 octobre 2024, décision n° 2024-1106
Cette décision est encore relative à la protection fonctionnelle mais ne concerne non plus les élus régionaux mais communaux.
Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer sur la conformité à la constitution de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales.
Cet article prévoit que :
« Sous réserve des dispositions du quatrième alinéa de l’article 121-3 du code pénal, le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ne peut être condamné sur le fondement du troisième alinéa de ce même article pour des faits non intentionnels commis dans l’exercice de ses fonctions que s’il est établi qu’il n’a pas accompli les diligences normales compte tenu de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont il disposait ainsi que des difficultés propres aux missions que la loi lui confie.
« La commune est tenue d’accorder sa protection au maire, à l’élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation ou à l’un de ces élus ayant cessé ses fonctions lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions.
« La commune est tenue de souscrire, dans un contrat d’assurance, une garantie visant à couvrir le conseil juridique, l’assistance psychologique et les coûts qui résultent de l’obligation de protection à l’égard du maire et des élus mentionnés au deuxième alinéa du présent article. Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le montant payé par la commune au titre de cette souscription fait l’objet d’une compensation par l’Etat en fonction d’un barème fixé par décret.
« Lorsque le maire ou un élu municipal le suppléant ou ayant reçu une délégation agit en qualité d’agent de l’Etat, il bénéficie, de la part de l’Etat, de la protection prévue par l’article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ».
La commune requérante reproche à ces dispositions de n’accorder la protection fonctionnelle de la commune à certains élus municipaux lorsqu’ils font l’objet de poursuites pénales sans étendre le bénéfice de cette protection aux actes intervenant au cours de l’enquête préliminaire. Il en résulterait une méconnaissance d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) qu’elle demande d’être aux juges de reconnaitre selon lequel les collectivités publiques seraient tenus d’accorder leur protection aux agents publics mis en cause à raison des faits commis dans l’exercice de leurs fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de faute détachable.
Il résulterait d’après la commune une différence de traitement entre les élus municipaux et les agents publics au motif que seuls ces derniers bénéficient d’une protection fonctionnelle lorsqu’ils sont entendus en tant que témoins assistés, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de compositions pénale.
Serait ainsi violé le principe d’égalité devant la loi.
Le conseil constitutionnel va d’abord se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance d’un PFRLR en énonçant qu’une tradition républicaine ne peut être invoquée qu’à la condition qu’elle est reconnue. Or, « Si les articles 14 et 15 de la loi du 19 octobre 1946 mentionnée ci-dessus prévoyaient que l’administration est tenue de couvrir les fonctionnaires des condamnations civiles prononcées contre eux lorsqu’ils sont poursuivis par un tiers pour faute de service et de les protéger contre les menaces et attaques dont ils peuvent faire l’objet à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, ces dispositions n’ont toutefois eu ni pour objet ni pour effet de consacrer un principe selon lequel la protection fonctionnelle devrait bénéficier à tout agent public mis en cause à raison de faits commis dans l’exercice de ses fonctions, dès lors qu’il ne s’agit pas de fautes détachables, ni, en tout état de cause, à un élu local. Ces dispositions ne sauraient donc avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République ».
Ensuite, conformément à la décision développée supra, le conseil constitutionnel va considérer que la différence de traitement entre agents publics et élus est reconnue mais que celle-ci « Si, depuis la loi du 20 avril 2016 mentionnée ci-dessus, les agents publics bénéficient en outre d’une telle protection lorsqu’ils sont entendus en qualité de témoin assisté, placés en garde à vue ou se voient proposer une mesure de composition pénale, ils ne se trouvent pas dans la même situation que les élus chargés d’administrer la commune, au regard notamment de la nature de leurs missions et des conditions d’exercice de leurs fonctions. Compte tenu de cette différence de situation, le législateur n’était donc pas tenu de les soumettre aux mêmes règles de protection fonctionnelle ».
Encore une fois le Conseil constitutionnel rappelle qu’il est loisible au législateur détendre cette protection fonctionnelle mais que la différence de traitement est fondée.