Le syndicat des Eaux d’Ile-de-France (SEDIF) a lancé une procédure de mise en concurrence dans le cadre du renouvellement de la délégation du service public de l’eau potable. Les sociétés Suez Eau France et Véolia ont été retenues pour participer à la phase des négociations. Elles ont déposé une offre « initiale » puis une offre « intermédiaire ». Durant la phase de négociation, la société Véolia a eu accès à des données confidentielles concernant l’offre de la société Suez Eau France, ce qui a entrainé la suspension des négociations. Le SEDIF a finalement décidé d’arrêter les négociations et d’attribuer le contrat de concession au regard des seules offres intermédiaires.
C’est cette décision que la Société Suez Eau France conteste devant le juge du référé précontractuel en demandant l’annulation partielle de la procédure et la reprise de cette dernière au stade des négociations. Cette demande a été rejetée par le tribunal administratif. La société Suez Eau France se pourvoit en cassation.
Le Conseil d’Etat énonce tout d’abord que le SEDIF a conservé sa qualité de pouvoir adjudicateur puisque le contrat a pour objet de confier à un tiers l’exploitation du réseau dont il a la charge.
Ensuite, le Conseil d’Etat rappelle qu’en application de l’article L.3123-8 du Code de la commande publique, l’autorité concédante peut exclure de la procédure de passation d’un contrat de concession les personnes qui ont entrepris d’influer indûment le processus décisionnel de « l’autorité concédante ou d’obtenir des informations confidentielles susceptibles de leur donner un avantage indu lors de la procédure de passation du contrat de concession, ou ont fourni des informations trompeuses susceptibles d’avoir une influence déterminante sur les décisions d’exclusion, de sélection ou d’attribution ».
Le Conseil d’Etat précise alors les conditions permettant d’identifier une clause d’exclusion facultative : « une clause d’exclusion facultative est constituée lorsque l’autorité concédante identifie des éléments précis et circonstanciés indiquant que l’opérateur a effectué des démarches qu’il savait déloyales en vue d’obtenir des informations dont il connaissait le caractère confidentiel et qui étaient susceptibles de lui procurer un avantage indu dans le cadre de la procédure de passation ».
En l’espèce, la société Véolia avait obtenu les données confidentielles à la suite d’un dysfonctionnement informatique et avait pris l’initiative d’en informer le pouvoir adjudicateur avant le dépôt de son offre finale. Dès lors, le Conseil d’Etat a estimé qu’ « elle devait être regardée comme ayant nécessairement renoncé à tirer parti de ces éléments dans le cadre de la procédure ». Dès lors, la SEDIF n’était pas tenu d’exclure cette société.
Enfin, le Conseil d’Etat a souligné que, dans les circonstances très particulières de l’espèce, et en l’absence de manœuvres, il était possible de modifier le déroulement de la procédure. En l’espèce, il a été considéré que le fait de veiller en toute hypothèse au respect des principes de la commande publique, en particulier à l’égalité entre les candidats, pouvait justifier d’estimer comme définitives des offres intermédiaires. Dès lors, le pourvoi de la société Suez Eau France est rejeté.