CE, 11 mars 2024, req. °454305
La protection des agents publics est un principe général du droit qui vaut pour tous les agents publics. En pratique, tout fonctionnaire ou agent contractuel dispose donc, lorsqu’il subit une atteinte volontaire à son intégrité, des violences, des agissements constitutifs de harcèlement, des menaces, des injures, des diffamations et des outrages, de la possibilité de déposer auprès de l’employeur public une demande de protection fonctionnelle. Ceci étant, quid du droit pour la personne visée par une telle demande d’en obtenir communication ?
Le Conseil d’Etat s’est prononcé sur cette question, dans une affaire dans laquelle M.A, le directeur d’un établissement public considérant faire l’objet de dénonciations infondées, souhaitait obtenir communication d’une part de deux demandes de protection fonctionnelles présentées par des agents et d’autre part, de la plainte pénale déposée par l’une d’elles.
Suite au refus opposé par son employeur public, M.A a dans un premier temps saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) puis le tribunal administratif de Poitiers, lesquels se sont tous les deux prononcés dans le sens du caractère non-communicable des documents sollicités.
M.A s’est donc pourvu en cassation, en faisant valoir l’article L.311-3 du code des relations entre le public et l’administration ainsi rédigé :
« Sous réserve des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, concernant les données à caractère personnel figurant dans des fichiers, toute personne a le droit de connaître les informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui sont opposées. »
La haute juridiction a toutefois considéré ce moyen comme étant inopérant, au motif qu’il était soulevé pour la première fois en cassation. L’on relèvera cependant que le rapporteur public a jugé utile, dans ses conclusions, de préciser qu’en tout état de cause, ce n’était pas les termes des demandes de protection fonctionnelles qui étaient opposés au requérant, mais les conclusions de l’enquête administrative qui avait été diligentée suite aux dénonciations le concernant.
Sur le fond, le Conseil d’Etat a ensuite fondé son raisonnement sur les dispositions relatives à la protection fonctionnelle, mais également sur l’article L. 311.6 du code des relations entre le public et l’administration qui prévoit :
» Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : (…) / 3° Faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice ».
En l’espèce, il a considéré que la demande adressée par un agent public à l’administration dont il dépend en vue d’obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle fait apparaître son comportement au sens de l’article L.311-6 précité et que par principe, la divulgation à un tiers d’une telle demande devait être regardée, par elle-même et quel que ce soit son contenu, susceptible de porter préjudice à son auteur.
Il faut donc retenir de cet arrêt qu’une demande de protection fonctionnelle ne peut jamais être communiquée à un tiers, et ce que quelles que soient les circonstances.
Sans surprise, la haute juridiction a également écarté l’existence d’un quelconque droit à se faire communiquer une plainte pénale par l’employeur public, en rappelant qu’une plainte pénale n’était pas un document administratif et qu’à ce titre, elle n’entrait pas dans le champ d’application du code des relations entre le public et l’administration.