Dans cette affaire, le Grand port maritime de Marseille a conclu un marché public portant sur la police d’assurance « dommages aux biens » avec le groupement conjoint composé d’une société de courtage d’assurances, mandataire, et une compagnie d’assurances, pour une durée initiale de trois ans à compter du 1er janvier 2020.
Ce contrat prévoyait deux reconductions tacites d’un an que l’assureur ne pouvait refuser si le pouvoir adjudicateur décidait d’y procéder.
Pourtant, la compagnie d’assurances a informé le Grand port maritime de Marseille de sa décision de résilier ce marché à compter du 1er janvier 2023. Ce dernier s’y est opposé et a mis en demeure ses deux cocontractantes de poursuivre l’exécution du marché.
Sans réponse à ces courriers, le Grand port maritime de Marseille a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, d’enjoindre aux deux sociétés de maintenir, au moins jusqu’au 31 décembre 2023, la police d’assurances « dommages aux biens » et les garanties contractuelles qui en font l’objet dans les conditions prévues par le marché précité.
Cette demande a été rejetée par une ordonnance du 16 novembre 2022, contre laquelle le Grand port maritime de Marseille s’est pourvu en cassation
Le Conseil d’Etat rappelle la lettres des articles L. 113-12 et L. 113-14 du Code des assurances, applicables aux marchés publics d’assurance, que l’assureur a la faculté de résilier unilatéralement le contrat à
l’expiration d’un délai d’un an suivant sa conclusion, avec un préavis d’au moins deux mois.
Cependant il ajoute que : « Il résulte toutefois des principes généraux applicables aux contrats administratifs que lorsque l’assureur entend en faire application pour résilier unilatéralement le marché qui le lie à la personne publique assurée et que le contrat ne prévoit pas un préavis de résiliation suffisant pour passer un nouveau marché d’assurance, cette dernière peut, pour un motif d’intérêt général tiré notamment des exigences du service public dont la personne publique a la charge, s’y opposer et lui imposer de poursuivre l’exécution du contrat pendant la durée strictement nécessaire, au regard des dispositions législatives et réglementaires applicables, au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché public d’assurance, sans que cette durée ne puisse en toute hypothèse excéder douze mois, y compris lorsque la procédure s’avère infructueuse. L’assureur peut contester cette décision devant le juge afin d’obtenir la résiliation du contrat ».
Appliquant ce principe à l’espèce, la haute juridiction a annulé l’ordonnance en litige, et enjoint aux sociétés défenderesses de reprendre intégralement l’exécution des prestations prévues par le contrat conclu avec le Grand port maritime de Marseille, pendant la durée strictement nécessaire au déroulement de la procédure de passation d’un nouveau marché d’assurance par le Grand port maritime de Marseille, sauf à ce que ce dernier y renonce, et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2023.