TA Rennes, 13 mars 2025, req. n°2204984 et n°2204983
Le Tribunal administratif de Rennes a été saisi par l’association « Eau et Rivières de Bretagne » de deux recours concernant la pollution par les nitrates d’origine agricole et la prolifération des algues vertes qui en est le résultat.
Le premier recours (req. n°2204984) visait à obtenir l’indemnisation des préjudices causés par sa carence en matière de lutte contre la pollution par les nitrates d’origine agricole.
Le Tribunal rappelle que le phénomène d’eutrophisation des eaux marines à l’origine de la prolifération des algues vertes a pour cause les apports excessifs d’azote d’origine agricole.
Il rappelle également les exigences imposées par la directive « Nitrates » du 12 décembre 1991 et par la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000.
Après avoir analysé les mesures adoptées par l’État en vue du respect de ces exigences et les insuffisances de ces mesures invoquées par la requérante, il conclut que « les actions mises en œuvre à l’échelle du territoire de la Bretagne, bien qu’ayant concouru à diminuer la concentration moyenne en nitrates des cours d’eau bretons, demeurent insuffisantes pour permettre de lutter effectivement contre la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole et, ainsi, pour réduire durablement les échouages d’algues vertes sur le littoral ».
Compte tenu de l’obligation de respecter les objectifs fixés par le droit de l’Union européenne et des pouvoirs de police administrative dont disposent les préfets, le Tribunal estime que les carences du préfet de la région Bretagne sont constitutives d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’État.
Il considère en outre que les dommages résultant de la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole constituent un préjudice écologique. Ce préjudice présente un lien suffisamment direct et certain avec la carence fautive du préfet de la région Bretagne.
Le Tribunal affirme que le choix des mesures concrètes à mettre en œuvre pour réparer ce préjudice relève de l’appréciation des services de l’État. En vue de la réparation du préjudice écologique, il se borne à enjoindre au préfet de prendre, « dans un délai de dix mois, toutes les mesures utiles de nature à réparer le préjudice écologique constaté et de prévenir l’aggravation des dommages en résultant, notamment en agissant pour maîtriser la fertilisation azotée, afin de limiter effectivement la concentration en nitrates des eaux bretonnes, et en se dotant d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées ».
Le Tribunal administratif condamne également l’État à payer une somme de 5000 euros à la requérante en réparation de son préjudice moral.
Le second recours de l’association (req. n°2204983) tendait à l’annulation de la décision du préfet de la région Bretagne refusant de prendre toutes mesures utiles pour lutter contre la pollution contre les nitrates d’origine agricole.
Le Tribunal administratif considère qu’en adoptant une telle décision, le préfet « a méconnu ses obligations résultant tant de la directive 2000/60/CE établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau que de la directive 91/676/CEE concernant la protection des eaux contre les nitrates de sources agricoles ».
Il enjoint au préfet de prendre dans un délai de dix mois toutes les mesures nécessaires pour permettre de réduire effectivement la pollution des eaux par les nitrates d’origine agricole sur le territoire breton, notamment en se dotant d’outils de contrôle permettant un pilotage effectif des actions menées.