Cabinet Avocats Valadou I Josselin

Le maire peut ordonner la fermeture d’un débit de boisson mais dans un cadre strict

CE, 10 juillet 2025, req. n°48802311

Il est admis qu’en matière de police, le maire ne peut agir que dans le cadre de son pouvoir de police général lorsque le législateur a entendu confier des pouvoirs de police spéciaux a une autre autorité.

Des exceptions ont toutefois vu le jour puisque le maire peut intervenir au titre de son pouvoir de police général dans certain domaine normalement dévolu à l’Etat (voir par exemple : Conseil d’État, 05 juin 2019, req. n°417305).

En l’espèce, le maire d’une commune a pris un arrêté ordonnant la fermeture d’un bar. Ce pouvoir appartient pourtant au préfet ou au ministre comme l’indique l’article L. 3332-15 du code de la santé publique. Les dispositions de cet article permettent toutefois de déléguer au maire ce pouvoir. Tel n’était pas le cas ici puisque le maire a pris un arrêté de fermeture alors même qu’aucune délégation ne lui avait été admise.

Si le Conseil d’Etat relève cette circonstance, il énonce surtout que le maire peut déborder sur le pouvoir de police spécial normalement détenu par l’Etat dans le cadre des fermetures temporaires de débit de boisson, mais uniquement en cas de péril imminent.

Ainsi, il est possible alors même qu’un maire ne disposerait pas de délégation, de faire usage de ce pouvoir lorsqu’un péril imminent est avéré.

Tel n’était pas le cas en l’espèce, le Conseil d’Etat considère en effet que le préfet aurait pu prendre la même décision que celle prise par le maire :

« 14. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu’en retenant que les troubles du voisinage imputés à la société Le Magistral en raison de l’exploitation de son débit de boissons étaient nature à justifier l’adoption par le maire, au titre de ses pouvoirs de police générale, d’une mesure de fermeture temporaire d’une durée d’un mois, alors que la mesure prise était exactement de la même nature de celles qui pouvaient être prononcées par le préfet du Rhône, et qu’elle reposait sur des troubles à l’ordre public, en lien avec les nuisances sonores et le stationnement irrégulier de véhicules à proximité immédiate de l’établissement, en relation avec son exploitation, sans mettre en évidence une situation de péril imminent qui aurait seule permis au maire de déroger à l’ordre normal des compétences entre autorités de police, et sans faire davantage ressortir que le maire aurait reçu délégation pour exercer, au nom de l’Etat, les pouvoirs de police spéciale des débits de boissons, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit. La société requérante est fondée à invoquer pour la première fois en cassation ce moyen qui, touchant à la compétence de l’auteur de l’acte litigieux, est d’ordre public et à demander, par suite, l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ».

L’arrêté a donc été pris par une autorité incompétente et la société visée était justifiée à demander son annulation.