Cabinet Avocats Valadou I Josselin

De l’effet utile du référé-suspension

CE, sect., 22 sept. 2023, n° 472210

Soucieuse de préserver l’économie générale de l’office du juge du référé suspension, la section du contentieux revigore le non-lieu à statuer à l’égard de demandes réitérées de suspension d’une même décision administrative et successivement rejetées pour défaut d’urgence.

Un requérant peut-il à nouveau saisir le juge du référé-suspension alors que sa demande a le même objet et que le juge la rejette pour défaut d’urgence ? L’intervention d’une nouvelle décision de rejet prive-t-elle d’objet le pourvoi en cassation dirigé contre une précédente ordonnance de rejet ? Telles étaient les questions qui ont amené la section du contentieux à préciser la règle du non-lieu à statuer.

Le maire de Saint-Gervais-les-Bains a pris un arrêté interruptif de travaux, sur le fondement de l’article L. 480-2 du code de l’urbanisme, concernant la réhabilitation d’une ancienne ferme. Le requérant a saisi à trois reprises le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble de demandes tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté, qui ont toutes été rejetées, pour défaut d’urgence.

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État commence par rappeler le principe de son arrêt SCI Eaux douces : « Si les ordonnances par lesquelles le juge des référés fait usage de ses pouvoirs de juge de l’urgence sont exécutoires et, en vertu de l’autorité qui s’attache aux décisions de justice, obligatoires, elles sont, compte tenu de leur caractère provisoire, dépourvues de l’autorité de chose jugée. Il en résulte que la circonstance que le juge des référés a rejeté une première demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne fait pas obstacle à ce que le même requérant saisisse ce juge d’une nouvelle demande ayant le même objet, notamment en soulevant des moyens ou en faisant valoir des éléments nouveaux, alors même qu’ils auraient pu lui être soumis dès sa première saisine » (CE 29 juin 2020, n° 435502, Dalloz actualité, 6 juill. 2020, obs. J.-M. Pastor ; Lebon  ; AJDA 2020. 1324  ; RDI 2020. 520, obs. J.-F. Struillou  ; ibid. 548, obs. P. Soler-Couteaux ).

Le juge de cassation ne régule pas la fin du litige

En l’espèce, le requérant, qui s’est pourvu en cassation contre la troisième ordonnance de rejet, a présenté une quatrième demande de suspension de l’arrêté litigieux, également rejetée par une nouvelle ordonnance du juge des référés. Face à cette succession de rejets, et alors même que la dernière ordonnance ne se substitue pas à la précédente et qu’aucun moyen nouveau n’est soulevé, la section du contentieux décide que la nouvelle décision de rejet prive d’objet le pourvoi en cassation contre la précédente. Aussi, elle précise que « dans le cas où le demandeur, après le rejet d’une demande de suspension présentée sur le fondement de l’article L. 521-1 du [CJA], fait usage de cette faculté en saisissant à nouveau le juge des référés de conclusions ayant le même objet et se pourvoit également en cassation contre la première ordonnance ayant rejeté sa demande, l’intervention, postérieurement à l’introduction de ce pourvoi, d’une nouvelle ordonnance rejetant la nouvelle demande rend, eu égard à la nature de la procédure de référé, sans objet les conclusions dirigées contre la première ordonnance, alors même que la seconde n’est pas devenue définitive ».

La circonstance que le juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble a, par une quatrième ordonnance, rejeté la nouvelle demande ayant le même objet, prive d’objet le pourvoi formé contre la troisième ordonnance. Le juge de cassation n’est en effet pas un régulateur de fin de litige. Les conclusions présentées devant le Conseil d’État tendant à l’annulation de la troisième ordonnance sont devenues sans objet, il n’y a plus lieu d’y statuer mais le demandeur ne perd rien dans les voies de droit puisqu’il conserve toujours la possibilité de saisir le juge de cassation après la dernière ordonnance en date.

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